The Handshake
Hugo Ruyant
January 27th - March 16th, 2024
Michel Rein, Paris /1st floor
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Michel Rein a le plaisir de présenter The Handshake, exposition personnelle d’Hugo Ruyant à la galerie.
Hugo Ruyant peint une poignée de main. Rien qu’une poignée de main ; un geste ordinaire certes, qui pourtant s’impose comme gage de paix et de confiance (on suppose en effet que les Anciens se serraient la main pour écarter l’éventualité d’un poignard).
Et pourtant, ce geste-là ne tient pas à grand-chose : une esquive et tout s’effondre. L’Homme, cet animal social, demande rituellement la reconnaissance de ses semblables, car sans elle, société et démocraties ne demeurent que chimères, selon ce qu’en dit la philosophie morale d’Axel Honneth. L’attente d’être reconnu par l’« autrui généralisé » – ce miroir toujours un peu déformant – revient à implorer son approbation. Une main tendue est serrée et, amen : c’est bien un Homme, et il y a bien quelque chose comme un sanctuaire d’égalité.
En revanche, une main tendue est ignorée, et voilà que le pacte de reconnaissance se transforme en une « expérience de mépris et d’humiliation », suppose encore Honneth. L’esquiveur s’adjuge le pouvoir de refuser à l’esquivé sa qualité d’être social, lui qui ne demandait qu’une maigre contribution à son « individuation », comme l’aurait dit Gilbert Simondon. Appellant sa foule de rires gras et moyenâgeux, une telle provocation révèle en dépit de sa légèreté la violence sourde des relations sociales. Hugo Ruyant les met en scène à travers une situation dédaignable, mais cependant propre à dire l’efficacité avec laquelle hypocrisie et fatuité peuvent accabler quelqu’un de ridicule et lui nier son droit à l’existence.
Ainsi la figure de l’esquivé se dissipe-t-elle au fil d’une démultiplication qui signale son effacement progressif. Elle tient quelque chose du Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp (1912), d’autant plus qu’elle est en effet victime de son esprit d’escalier – l’expression désignant une personne sans répartie, cible d’une humiliation en société, ne trouvant sa réplique qu’une fois parvenue en bas des escaliers, sur le point de quitter la demeure : de s’effacer.
L’esquivé se vaporise, se gazéifie comme ces verres effervescents, sorte de fumigènes dont on peine à savoir s’ils avertissent d’un danger ou participent d’une célébration, la victoire de l’un supposant toujours la défaite de l’autre. Hugo Ruyant livre ici une satire sociale, au moyen d’une fulgurance imagée, brève et efficace, qui rappellent certaines de nos expressions idiomatiques. « Avoir l’esprit d’escalier » pour l’esquivé ; « porter un coup de Jarnac » pour l’esquiveur : un coup aussi habile et violent que déloyal et pernicieux.
Guillaume Blanc-Marianne
Paris, janvier 2024
Hugo Ruyant (né en 1992, vit et travaille à Fontenay-sous-Bois), réalise ses études à Olivier-de-Serres et à l’école Estienne, puis déménage à Bruxelles et intègre l’atelier «image-imprimée» de l’École des Arts Visuels de la Cambre.
Marqué par le dessin et la narration dans les domaines du livre et de la bande dessinée expérimentale, sa pratique artistique s’oriente désormais vers la peinture à travers l’espace d’exposition.
Hugo Ruyant a fait partie des nominés de la bourse Révélations Emerige 2023.