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MUSEUM EXHIBITION
Edgar Sarin at Domaine de Chamarande
Chamarande, France
Feb. 01 - Apr. 13, 2025
Dans l'orangerie, Théâtre (post-Pontormo) se déploie tel un espace suspendu, à la fois fresque et architecture. L'œuvre, conçue à partir de pigments telluriques de France et d'Italie, dialogue avec la terre, ses racines profondes et son histoire. Cette dimension tellurique trouve un écho dans son caractère architectural : elle est une structure flottante qui invite à une déambulation immersive, où l'obscurité ambiante accentue l'intensité sensorielle. L'expérience devient presque cérémoniale, convoquant l'idée d'une civilisation enfouie à découvrir sous un prisme contemporain.
Edgar Sarin crée ici une œuvre vivante, évolutive, inscrite dans une forme de théâtralité collective. Ce théâtre pictural est une scène où la mémoire se cristallise, où chaque exposition réinvente son propre folklore. Il ne s'agit pas simplement d'une mise en scène mais d'un rituel, une invitation à marcher autour de la pièce, dans un espace qui semble se reconfigurer au fil des pas. L'œuvre agit alors comme un miroir temporel, tissant un lien subtil entre le passé, le présent et l'avenir.
Le geste artistique de Sarin est au centre de ce processus. Plus qu'un simple acte créatif, il devient une architecture de pensée, où les matériaux, les références, et l'ingénierie se fondent en une impulsion pure. Le geste fait œuvre, mais cette œuvre est d'abord un terrain fertile pour une interaction profonde entre peinture et architecture. Comme le suggère Éric de Chassey, Sarin orchestre un dialogue où l'artiste s'efface presque pour laisser les formes s'épanouir librement.
Inspiré par l'environnement qui l'entoure, Sarin intègre à ses œuvres la matérialité et l'âme des lieux. Le bois, travaillé à partir de la forêt du domaine, se fait le prolongement naturel de cet enracinement. Ce lien organique se ressent dans la monumentalité suspendue de Théâtre (post-Pontormo), une fresque qui évoque autant les récits héroïques de la tapisserie de Bayeux que la fragilité d'une mémoire collective à préserver.
Enfin, cette élévation physique de l'œuvre, suspendue dans l'espace, se prolonge dans une élévation mystique et sacrée pour l'observateur. La vision engendre d'abord une émotion brute, avant de dévoiler une profondeur spirituelle, presque ésotérique. Sarin s'inscrit ainsi dans une tradition où l'art est un miracle innocent : celui de relier les âmes à travers le temps, de réactiver des mémoires enfouies et de leur donner une nouvelle lumière. Avec Théâtre (post-Pontormo), Edgar Sarin dépasse les frontières de la peinture et de l'architecture pour inventer un nouvel art du sublime, où chaque regard devient un voyage, chaque pas une résonance intime.
Victoire de Pourtalès, commissaire de l'exposition